Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 3.djvu/78

Cette page a été validée par deux contributeurs.

leurs, ils parurent en bourgeois et en bourgeoises, avec le bailli et le tabellion, et ces travestissemens, toujours variés et animés par l’esprit aimable du président, suivirent madame de Civrac jusqu’aux eaux où elle se rendait. J’ai lu dans ma jeunesse cette ingénieuse et touchante fête ; j’ignore si le manuscrit en a été conservé par les héritiers de M. le président Hénault. La candeur et la religieuse simplicité du bon cardinal contrastaient avec l’esprit galant et aimable du président, et, sans manquer à ce qui était dû au vénérable prélat, on s’amusait quelquefois de ses simplicités. Il y en eut cependant une dont le résultat heureux justifia le bon cardinal d’une chose tout-à-fait déplacée. Ne voulant pas oublier des homélies qu’il avait composées dans sa jeunesse, et tenant à ses productions autant que l’archevêque de Tolède lorsqu’il disgracia Gil-Blas, le cardinal se levait à cinq heures du matin ; tous les dimanches, pendant le séjour de la cour à Fontainebleau (cette ville était dans son diocèse), il allait officier à la paroisse, il montait en chaire, et récitait une de ses homélies : toutes avaient été composées pour ramener les gens du grand monde aux modestes pratiques qui conviennent aux vrais chrétiens. Plusieurs centaines de paysannes, assises sur leurs sabots, environnées des paniers qui avaient servi à apporter leurs légumes ou leurs fruits au marché, écoutaient Son Éminence sans comprendre un seul mot de ce qu’il leur disait. Quelques personnes attachées à la cour, voulant