Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 3.djvu/76

Cette page a été validée par deux contributeurs.

chesse écrivant au président qui venait de publier son Abrégé chronologique de l’histoire de France ; elle prit la plume de madame de Luynes, et écrivit au bas de la lettre cette apostille : « Je pense que M. Hénault, qui parle très-peu pour dire beaucoup, ne doit guère aimer le langage des femmes qui parlent beaucoup pour dire très-peu. » Et au lieu de signer, elle ajouta : Devinez qui ? Le président répondit à cette apostille anonyme par ces vers ingénieux :


 Ces mots, tracés par une main divine,
Ne peuvent me causer que trouble et qu’embarras.
 C’est trop oser si mon cœur les devine,
 C’est être ingrat, s’il ne devine pas.


Un soir la reine, étant passée dans le cabinet du duc de Luynes, prit successivement quelques livres pour en lire les titres ; une traduction de l’Art de plaire d’Ovide, étant tombée sous sa main, elle replaça le livre avec vivacité, en s’écriant : « Ah, fi ! — Quoi ! Madame, lui dit le président, c’est Votre Majesté qui traite ainsi l’art de plaire ? — Non, Monsieur Hénault, reprit la reine ; j’estimerais l’art de plaire, j’éloigne de moi l’art de séduire. »

Madame de Civrac, fille du duc d’Aumont, dame d’honneur de Mesdames, était de cette société intime de la reine. Ses vertus et son amabilité l’y faisaient estimer autant qu’elle y était chérie ; une