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s’informait du nombre de mois où en était sa grossesse. Fatiguée de la récidive de ces questions, et désobligée de l’oubli total qui avait toujours suivi cette fausse marque d’intérêt, l’ambassadrice répondit à la question, êtes-vous grosse ? non, Madame. Dans l’instant, cette réponse rappela à la mémoire de la reine celles qui lui avaient été faites précédemment. « Comment, Madame, lui dit-elle, il me semble que vous m’avez répondu plusieurs fois que vous étiez grosse, seriez-vous accouchée ? — Non, Madame ; mais, en répétant toujours la même chose à Votre Majesté, j’ai craint de l’ennuyer. » Cette ambassadrice fut, depuis ce jour, reçue très-froidement à la cour de Marie Leckzinska, et, si elle avait eu plus d’influence, l’ambassadeur eût bien pu se ressentir de l’indiscrétion de sa femme. La reine était gracieuse et modeste ; mais plus, dans l’intérieur de son ame, elle remerciait Dieu de l’avoir placée sur le premier trône de l’Europe, moins elle voulait qu’on se rappelât son élévation. Ce sentiment la portait à faire observer toutes les formes de respect, comme la haute idée du rang dans lequel les princes sont nés, et qui les conduit trop souvent à dédaigner les formes d’étiquette et à rechercher les habitudes les plus simples. Le contraste, sur ce point, était frappant entre Marie Leckzinska et Marie-Antoinette : on l’a justement et généralement pensé. Cette reine infortunée porta trop loin son insouciance pour ce qui tenait aux formes sévères de