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contait que le roi, son père, lui avait appris son élévation d’une manière qui aurait pu lui faire une trop grande impression ; qu’il avait eu soin, pour ne pas troubler sa tranquillité, de lui laisser ignorer totalement les premières négociations entamées pour son mariage, et que tout étant définitivement arrêté et l’ambassadeur arrivé, son père s’était rendu chez elle, avait avancé un fauteuil, l’y avait fait placer, et lui avait dit : « Permettez, Madame, que je jouisse d’un bonheur qui répare et surpasse tous mes revers : je veux être le premier à rendre mes hommages à la reine de France. »

Marie Leckzinska n’était pas jolie ; mais elle avait de la finesse dans l’esprit et dans les traits, et ses manières simples étaient relevées par les grâces des dames polonaises. Elle aimait le roi ; ses premières infidélités lui furent très-pénibles à supporter. Cependant la mort de madame de Châteauroux, qu’elle avait connue fort jeune, et qui avait même été l’objet de ses bontés, lui fit une pénible impression. Cette bonne reine se ressentait des premières années d’une éducation superstitieuse : elle avait peur des revenans. La première nuit qu’elle passa après avoir appris cette mort presque subite, elle ne pouvait s’endormir, et faisait veiller une de ses femmes qui cherchait à calmer son insomnie par des histoires que dans ce cas elle se faisait conter, comme les enfans en demandent à leurs bonnes. Cette nuit, rien ne pouvait ramener son sommeil : sa femme de chambre la croyait endor-