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M. le duc de Choiseul, avait mis dans la haine du dauphin ce caractère d’esprit de parti qui l’engagea à la faire passer jusqu’à ses fils. Parvenu sur le trône, il aurait soutenu les jésuites, les prêtres en général, et aurait comprimé les philosophes. Marie Leckzinska, épouse de Louis XV, plaça toujours sa vertu dans l’éloignement des affaires et l’observation sévère de ses devoirs religieux, ne demandant jamais rien pour elle, et envoyant tout

    qui furent chargés de lui proposer le ministère en 1771, que ses principes ne lui permettaient pas d’avoir cet honneur. Il fit entendre qu’il ne voulait point fréquenter madame Du Barry qui avait assujetti les ministres à lui rendre des hommages fréquens. M. Du Muy avait une grande piété ; il aurait cru manquer à ses principes religieux s’il eût fréquenté la favorite du roi. Quinze jours avant d’ordonner l’opération cruelle qui lui donna la mort, il fit graver la pierre sous laquelle il devait être enterré aux pieds du dauphin, père de Louis XVI. La veille de l’opération, il prit congé du roi, lui dit qu’il avait mis ordre aux affaires de ses bureaux, pour qu’il n’y eût pas de lacune entre son successeur et lui. Le roi l’embrassa les larmes aux yeux, et lui souhaita une guérison prompte. M. Du Muy se prépara à la mort, reçut les derniers sacremens, et, sans avertir sa femme, il ordonna au chirurgien de commencer l’opération de la pierre. Le hasard veut que madame la maréchale Du Muy pénètre dans la chambre au moment critique, elle fait un cri.... Le frère Côme, opérateur, manque son coup ; et la plaie s’étant enflammée, le ministre meurt peu de temps après dans les convulsions. » (Mémoires historiques et politiques du règne de Louis XVI, par Soulavie, tome II.)

    (Note de l’édit.)