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Louis XV traitait comme particulier dans toutes les affaires ou les marchés qu’il faisait ; il avait

    de me faire gagner quatre mille francs ? » Il l’examina bien et dit : « Cela est possible, et dans un mois je le rapporterai à Votre Majesté. » Un mois après, le comte rapporta le diamant sans tache ; il était enveloppé dans une toile d’amiante qu’il ôta. Le roi le fit peser, et, à quelque petite chose près, il était aussi pesant. Le roi l’envoya à son joaillier, sans lui rien dire, par M. de Gontaut qui rapporta neuf mille six cents livres ; mais le roi le fit redemander pour le garder par curiosité. Il ne revenait pas de sa surprise, et il disait que M. de Saint-Germain devait être riche à millions, surtout s’il avait le secret de faire avec de petits diamans de gros diamans. Il ne dit ni oui ni non ; mais il assura très-positivement qu’il savait faire grossir les perles et leur donner la plus belle eau. Le roi le traitait avec considération, ainsi que Madame. C’est elle qui m’a raconté ce que je viens de dire. M. Quesnay m’a dit au sujet des perles : C’est une maladie des huîtres, et il est possible d’en savoir le principe. Ainsi M. de Saint-Germain peut grossir les perles, mais il n’en est pas moins un charlatan, puisqu’il a un élixir de longue vie, et qu’il donne à entendre qu’il a plusieurs siècles.

    » Je l’ai vu plusieurs fois : il paraissait avoir cinquante ans ; il n’était ni gras, ni maigre, avait l’air fin, spirituel, était mis très-simplement, mais avec goût ; il portait aux doigts de très-beaux diamans, ainsi qu’à sa tabatière et à sa montre. Il vint un jour où la cour était en magnificence, chez Madame, avec des boucles de souliers et de jarretières de diamans fins, si belles, que Madame dit qu’elle ne croyait pas que le roi en eût d’aussi belles. Il passa dans l’antichambre pour les défaire, et les apporta pour les faire voir de plus près, en comparant les pierres à d’autres. M. de Gontaut qui était là dit qu’elles valaient au moins deux cent mille livres. Il avait, ce même jour, une tabatière d’un prix infini et des boutons de manche de rubis, qui étaient étincelans.