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toute la cour ; les capitaines des gardes y venaient habituellement, et beaucoup d’officiers des gardes-du-corps. Les auteurs célèbres dans tous les genres se faisaient présenter chez elle comme chez madame Geoffrin. Elle avait du crédit, surtout de l’influence lorsqu’elle sollicitait des voix pour les prétendans aux fauteuils de l’Académie. J’ai vu chez elle tous les gens célèbres du siècle, La Harpe, Diderot, D’Alembert, Duclos, Thomas, etc. Elle avait autant d’esprit que son mari avait de bonhomie ; autant de recherche qu’il affectait de simplicité ; il aimait à la déjouer dans ses prétentions les plus légitimes. Personne ne résumait un discours académique, un sermon ou le sujet d’une pièce nouvelle avec autant de précision et de grâces que le faisait madame de Marchais. Elle avait aussi l’art d’amener à sa volonté la conversation sur un ouvrage nouveau ou ancien, et souvent son mari se plaisait à dire à ses voisins dans le cercle : « Ma femme a lu cela ce matin. » Le comte d’Angiviller, épris de la grâce de son esprit, lui faisait une cour assidue, et l’épousa quand elle devint veuve de M. de Marchais. Elle vivait encore à Versailles dans les premières années du règne de Napoléon, mais ne sortait plus de son lit. Elle avait conservé son goût pour la parure, et était, quoique couchée, frisée et coiffée comme on l’était vingt ans avant cette époque. Une prodigieuse quantité de blanc et de rouge déguisait le ravage du temps, pour ne laisser voir, à la faible clarté de