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Ces excursions secrètes, la fréquentation trop habituelle de Louis XV avec des demoiselles qui remplaçaient par des attraits les avantages de l’éducation, avaient sans doute appris au roi beaucoup d’expressions vulgaires qu’il eut, sans cela, toujours ignorées[1].

Cependant, au milieu même de ses plus honteux désordres, le roi reprenait quelquefois tout-à-coup, avec beaucoup de noblesse, la dignité de son rang. Les courtisans familiers de Louis XV s’étant un jour livrés à toute la gaieté d’un souper, au retour de la chasse, chacun vantait et peignait les beautés de sa maîtresse. Quelques-uns s’étaient amusés à rendre compte du peu de charmes de

  1. « Le roi, dit madame du Hausset, se plaisait à avoir de petites correspondances particulières que Madame très-souvent ignorait ; mais elle savait qu’il en avait, car il passait une partie de sa matinée à écrire à sa famille, au roi d’Espagne, quelquefois au cardinal de Tencin, à l’abbé de Broglie, et aussi à des gens obscurs. « C’est avec des personnes comme cela, me dit-elle un jour, que le roi sans doute apprend des termes dont je suis toute surprise. Par exemple, il m’a dit hier, en voyant passer un homme qui avait un vieil habit : Il a là un habit bien examiné. Il m’a dit une fois, pour dire qu’une chose était vraisemblable : Il y a gros. C’est un dictum du peuple, à ce qu’on m’a dit, qui est comme il y a gros à parier. » Je pris la liberté de dire à Madame : « Mais, ne serait-ce pas des demoiselles qui lui apprennent ces belles choses ? » Elle me dit en riant : « Vous avez raison, il y a gros. » Le roi, au reste, se servait de ces expressions avec intention, et en riait. » (Journal de madame du Hausset.)
    (Note de l’édit.)