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pour la cour, ses forces étaient hétérogènes et divisées. Elles étaient commandées par le vieux maréchal de Mailly, capable de tout imaginer et de tout exécuter s’il n’eût été plus qu’octogénaire. On le vit fléchir le genou en présence du roi, tirer l’épée et lui tenir ce langage : « Sire, vous êtes le roi des braves, votre fidèle noblesse est accourue à l’envi pour vous rétablir sur le trône de vos ancêtres et pour mourir avec vous : seconderez-vous ses efforts ? — Je les seconderai, » lui répondit le monarque : paroles imprudentes dans le roi et dans le maréchal, qui, circulant de parti en parti et de rang en rang, déconcertèrent les royalistes aveuglés qui tenaient encore à cette monarchie éphémère des feuillans, qui allait être effacée de la surface de la terre. Le roi faisant la revue de ses troupes, put reconnaître que leur fidélité n’était pas unanime.

» Rœderer, procureur-syndic du département, était accouru auprès du roi. Observateur du ton d’incertitude qui régnait parmi les troupes nationales, et consulté par Louis, il conseille au prince, non d’encourir les dangers et les suites d’une défaite, mais de se retirer dans le sein de l’Assemblée, comme dans un lieu d’une plus grande sûreté. Le roi, se rendant à cet avis, part pour l’Assemblée nationale à travers une foule animée qui vomissait contre lui les plus étranges imprécations. Arrivé à la droite du président : « Je viens auprès de vous, dit-il, pour empêcher un grand crime ; je me croirai toujours en sûreté, ainsi que ma famille, au milieu de vous. » Vergniaud, président, répondit quelques paroles insignifiantes et obliques que tous les partis ont dénaturées. Un autre député (Gamon) observa que l’Assemblée ne pouvait délibérer en présence du monarque. Louis descend pour la dernière fois de ce trône mal établi qu’il partageait depuis 1789 avec la démocratie, et passe dans l’humble loge du logographe où il se trouve prisonnier et à portée d’entendre le bruit du canon qui démantelait son château. Le peuple est vaincu du côté de la Seine ; au Carrousel il triomphe. Il se ranime en voyant couler le sang des patriotes, et emporte de vive force le château. Une partie des Suisses est