Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 3.djvu/355

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Note (O), page 115.

« Le roi ayant acquis le château de Rambouillet, du duc de Penthièvre, se plut à y faire divers embellissemens. J’ai vu un registre, tout écrit de sa main, qui prouve des connaissances infinies de détail. Dans ses comptes, il insérait un article d’un écu, de quinze sous. Les chiffres et les caractères de son écriture, quand il voulait écrire bien lisiblement, sont mignons et très-jolis ; les lettres sont bien formées ; mais le plus souvent il écrivait fort mal. Il épargnait le papier à un tel point, qu’il en sous-divisait une feuille en huit, en six, en quatre morceaux, suivant la longueur de ce qu’il avait à écrire. Il paraissait regretter en écrivant de perdre du papier ; vers les approches de la fin de la page, il serrait les lettres, évitait les interlignes. Les derniers mots touchaient la fin et la coupure du papier ; il semblait avoir regret de commencer une autre page. Il avait un esprit méthodique et analytique ; il divisait ses compositions en chapitres et en sections : il avait extrait des œuvres de Nicole et de Fénélon, ses auteurs chéris, trois ou quatre cents phrases concises et sentencieuses ; il les avait classées par ordre de matières, et il en avait formé un second ouvrage dans le goût et suivant les formes de Montesquieu ; il avait donné pour titre général à ce traité : De la monarchie tempérée, avec des chapitres intitulés : De la personne du prince. De l’autorité des corps dans l’État. Du caractère de l’exécution de la monarchie. S’il avait pu exécuter tout ce qu’il avait aperçu de beau et de grand dans Fénélon, Louis XVI eût été un monarque accompli ; la France eût été une monarchie puissante.

» Le roi acceptait de ses ministres les discours qu’ils lui présentaient pour les prononcer dans des occasions d’éclat ; mais il les corrigeait, il y mettait des nuances, il effaçait, il ajoutait et communiquait quelquefois l’ouvrage à son épouse. Dans ce travail, on voit qu’il cherchait le mot propre et qu’il le trouvait. Le mot du ministre, effacé par le roi, était parfois incon-