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naissante envers le duc de Bourbon qui avait le plus contribué à son mariage. Elle respectait, dans le duc d’Orléans, fils du régent, la vertu embellie par le savoir. Elle avait beaucoup d’amitié pour la feue princesse de Condé, pour la comtesse de Toulouse, pour le duc et la duchesse de Penthièvre.

» Dans ses audiences particulières, dont elle n’était point avare, quoiqu’elles fussent un exercice pour sa patience, elle écoutait avec attention ce qu’on avait à lui proposer. Elle encourageait la timidité, elle rassurait la crainte par des questions pleines de bonté. C’était sans le moindre embarras, comme naturellement et sans y penser, qu’elle embrassait les extrêmes, entretenant successivement de leurs affaires des personnes de tous les rangs et de toutes les professions. Elle disait à chacun ce qui lui convenait ; et soit qu’elle accordât, qu’elle promît ou qu’elle fût obligée de refuser, on se retirait satisfait d’auprès d’elle.

» Pour répondre au continuel empressement qu’on avait de la voir, elle mangeait toujours en public. Pleine d’attachement pour les personnes qui se trouvaient présentes, si elle apercevait un inconnu, que le respect et la timidité tinssent à l’écart, elle prenait plaisir à le distinguer de la foule. Elle adressait la parole a beaucoup de monde pendant ses repas, et il ne sortait de sa bouche que des expressions obligeantes sans jamais employer ces formules vagues qui ne flattent personne parce qu’elles conviennent à tous : elle trouvait dans les circonstances le mot encourageant que le cœur sent, et que l’amour-propre s’empresse de publier…

» On connaissait trop bien la façon de penser de la reine, pour se permettre, en sa présence, aucun propos qui eût pu porter une atteinte directe à la religion ou aux mœurs ; mais il arrivait souvent qu’elle entendît mettre en principes incontestables ces préjugés du monde, qui avoisinent de fort près les erreurs dangereuses. Alors elle ajoutait le correctif avec plus ou moins de ménagement pour les personnes, selon qu’elle les croyait inspirées par l’ignorance ou par la mauvaise foi. Elle se