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et flétries, défaut qui provenait de l’abus qu’elle avait fait de les mordre si souvent, qu’elle en avait rompu les veines imperceptibles, d’où résultait la couleur pisseuse et sale qui s’y plaçait quand elle ne les mordait pas, ou quand depuis long-temps elle ne les avait pas mordues.

» Tant qu’on a pu croire à la cour que madame de Pompadour avait des couleurs au visage, elle n’a pas pris du rouge apparent ; elle s’est contentée d’une nuance ; alors elle a eu la faiblesse de dire beaucoup de mal et du rouge et des dames de la cour qui s’enluminaient la mine. Ses yeux ont reçu d’ailleurs de la nature un ton de vivacité tel, qu’il semble qu’un corps s’en détache quand elle donne un coup-d’œil. Ses yeux sont châtains, ses dents très-belles, ainsi que ses mains. Quant à sa taille, elle est fine, bien coupée, de moyenne grandeur et sans aucun défaut. Elle sait si bien tout cela, qu’elle a grand soin de l’aider de tous les secours de l’art. Elle a inventé des négligés que la mode a adoptés, et qu’on appelle des robes à la Pompadour, et dont les formes sont telles, qu’elles ressemblent aux vestes à la turque, pressent le col et sont boutonnées au-dessous du poignet ; elles sont adaptées à l’élévation de la gorge, et collent jusque sur les hanches ; rendent sensibles toutes les beautés de la taille en paraissant vouloir les cacher. On sait d’ailleurs qu’elle se déguise en paysanne, en laitière, en religieuse, en sœur grise, en fermière, en jardinière, pour surprendre et agacer le roi.

» Quant aux habitudes, aux mouvemens, au port et à la contenance de son corps, comme dame de la reine, elle n’a jamais pu être, et ne sera jamais qu’une grisette, car son ton est bourgeois. M. de Maurepas le lui a fait dire ; il a plus fait, il lui a dit dans ses chansons qu’elle a été élevée à la grivoise. Le roi, blessé de ses premières inconvenances, était obligé de dire à ses courtisans : « C’est une éducation à faire, je le sens bien ; mais il me faut une femme, ne fût-ce que pour réprimer les intrigantes ; et dans une éducation toute faite, on ne trouverait pas les autres agrémens que j’ai aperçus. »

» On a su du roi et de M. Le Normant qu’elle avait des