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le principe de son mal. Quoi qu’il en soit, après avoir donné une lueur d’espérance par l’usage du raisin auquel il s’était mis pour toute nourriture, ce prince, s’étant fatigué à Compiègne aux exercices du camp qu’il aimait, il lui survint un gros rhume, et l’on ne tarda pas à s’apercevoir que sa poitrine était affectée. Il ne voulut rien déranger, ni au retour de ce voyage, ni à celui de Fontainebleau, dont il ne fut pas possible de le ramener. Le roi se conduisit à son égard comme il avait fait à l’égard de madame de Pompadour, et ne manqua à rien à l’extérieur. Il eut la complaisance de rester en ce lieu très-triste et très-malsain jusqu’au moment de la mort de son fils. Mais on calculait les derniers instans, et il en résulta, pour l’auguste moribond, un spectacle affreux que la religion seule lui adoucit. Il voyait de son lit tout ce qui se passait dans la cour du château, et cela faisait quelquefois distraction à ses souffrances. Comme il approchait de sa fin, et que le départ était fixé à l’instant où il expirerait, chacun s’empressait de se préparer, afin de prévenir la débâcle de toute la cour, qui devait être considérable. Le prince mourant remarqua les paquets qu’on jetait par les fenêtres, et qu’on chargeait sur les voitures. Il dit à La Breuille, son médecin, qui voulait lui éloigner encore l’idée du fatal moment et relever son espoir : Il faut bien mourir, car j’impatiente trop de monde.

» Le roi avait chargé le grand-aumônier de ne pas quitter son fils pendant son agonie, et de recevoir son ame. Dès que S. A. R. vit le prélat reparaître chez elle, elle jugea que c’en était fait. Prenant son parti sur-le-champ, le roi envoie chercher le duc de Berri, l’aîné des enfans de France, et, après lui avoir adressé un discours relatif aux circonstances, le conduit chez son auguste mère. En entrant le monarque dit à l’huissier : Annoncez le roi et M. le dauphin. La princesse sentit ce que signifiait ce nouveau cérémonial ; elle se jeta aux pieds du roi, et lui demanda ses bontés pour elle et ses enfans. »