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et à la tendresse de sa famille ; et M. d’Argenson, ministre, trouvant l’occasion de satisfaire sa haine pour madame de Pompadour, se distingua parmi ceux qui la repoussèrent quand elle osa se présenter à la porte du roi.

» Le triomphe des prêtres et du ministre ne fut pas de longue durée. Madame de Pompadour, furieuse de n’avoir pu jouer sa comédie, songeait à se venger, s’il était possible, de l’affront qu’on lui avait fait avec tant d’audace. La blessure se trouvant bien différente de ce qu’on l’avait crue, dès le lendemain au soir, on cessa de s’inquiéter de ses suites. Au bout de deux ou trois jours, le roi presque guéri fut visible, et, comme en 1744, il reprit son train de vie. Une de ses premières visites fut celle qu’il rendit à madame de Pompadour. Elle le reçut de la manière du monde la plus propre à faire pitié. Ses yeux éplorés, son visage couvert de larmes, annonçaient une désolation qui ne pouvait manquer de produire son effet.

» Après l’avoir félicité, encore félicité de son heureux rétablissement, elle se répandit en plaintes amères sur la conduite qu’on avait tenue à son égard. Elle finit par dire que « puisqu’il lui était défendu de le voir dans le temps que son devoir l’exigeait le plus, et que lui-même en avait le plus besoin, elle ne pouvait faire mieux que de se retirer à temps, pour ôter à ses ennemis la maligne joie de lui faire encore un pareil outrage. »

» Cette menace de se retirer, menace que cette femme ne fait guère que quand elle est assurée de n’être pas prise au mot, eut tout l’effet possible sur l’esprit du roi. Il résolut de lui donner la satisfaction la plus éclatante, et de lui accorder ce qu’elle n’avait pu ni osé demander. Il commença par exiler le trop consciencieux évêque, avec trois ou quatre courtisans qui avaient fait les empressés à lui défendre l’entrée. M. d’Argenson fut disgracié et obligé de se démettre de sa charge. On croirait qu’en lui donnant pour successeur le jeune marquis de Paulmy-d’Argenson, son neveu, le roi avait l’intention d’adoucir la douleur de la disgrâce ; mais il n’en est effectivement rien. Le