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selon son rang et sa qualité. Lorsque le commun peuple, et surtout les enfans, se trouvent avec des étrangers ou avec des personnes qui sont au-dessus d’eux, une honte rustique éclate pour l’ordinaire dans toutes leurs manières. Le désordre, qui paraît d’abord dans leurs regards et dans leurs paroles, les déconcerte à tel point, qu’ils ne sont plus capables de s’exprimer, ou du moins de le faire avec cette liberté et cette grâce qui ne manque jamais de plaire, et sans laquelle on ne saurait être agréable. Le seul moyen de corriger la jeunesse de ce défaut, comme de tout autre méchant pli, c’est de lui faire prendre, par l’usage, une habitude toute contraire. Mais, comme nous ne saurions nous accoutumer à la conversation des étrangers et des personnes de qualité sans être de leur compagnie, rien ne peut dissiper cette espèce de rusticité que de fréquenter différentes sociétés composées de personnes au-dessus de nous par l’âge, le rang et le mérite. »

M. de Moncrif[1], dans son Essai sur la nécessité et les moyens de plaire, donne de la politesse cette définition : « La politesse est l’oubli constant de soi pour ne s’occuper que des autres. »

Voilà, ma chère Élisa, ce qu’un des esprits les plus profonds des temps modernes, et ce qu’un

  1. Moncrif, lecteur de la reine Marie Leckzinska, épouse de Louis XV, et l’un des quarante de l’Académie française, mourut en 1770.