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mis en prison. La révolution qui plaça Napoléon à la tête du gouvernement releva la fortune de mon père ; et il venait d’être réintégré dans son grade de colonel, lorsqu’à la journée de Marengo il périt sur le champ de bataille.

Le maréchal de ...... a fini ses jours en Allemagne : un chagrin profond s’était emparé de lui. Trop peu résigné pour supporter la perte de son rang, mais en même temps trop sensible pour ne pas jeter sans cesse les yeux vers une patrie qu’il avait abandonnée, la Providence le favorisa en terminant bientôt sa douloureuse carrière. Sa veuve, rentrée en France, retrouva la terre que mon père lui avait sauvée par une acquisition simulée. Depuis elle a dû à la générosité de Napoléon l’avantage de recouvrer une partie de ses bois qui lui assurent un revenu considérable. N’ayant pas d’enfans, madame de ...... a fait venir auprès d’elle les nièces de son mari. Elle a fait rechercher les anciens serviteurs de sa maison ; sa fortune a réparé les malheurs de plus de trente individus ; tous vivent dans son château, et elle appelle cette intéressante réunion sa colonie d’infortunés. Son ancienne amitié pour mon père nous eût offert ce pieux asile, si ma mère ne nous eût assuré par son économie l’avantage de vivre sans le secours d’autrui. Le spectacle de cette touchante assemblée, l’amour et le respect dont madame de ...... est environnée, me font regarder comme un avantage précieux le séjour que nous allons faire à sa terre. Je