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de ...., qu’il serait impardonnable de ne pas s’y rendre. Mon oncle a été parfaitement de cet avis.

Je ne t’ai jamais entretenue de nos anciennes relations avec madame de ..... qu’on nommait autrefois la maréchale de ... ; elles datent de la jeunesse de mon père qui était attaché à l’état-major de son mari, le maréchal de ..... Une profonde étude de l’histoire ayant, en quelque sorte, fait pressentir à mon père les événemens de la révolution française, il ne voulut pas émigrer. Le maréchal ....., toute sa famille et la plupart des officiers de son régiment, passèrent en pays étranger ; mon père se trouva seul à la tête de son corps ; et, lors de nos premiers triomphes en Allemagne, il eut le bonheur de sauver la vie et les équipages du maréchal, qui, combattant pour l’ennemi, s’était trouvé enveloppé dans une déroute. Il fallut d’aussi éminens services, et le souvenir de vingt ans de soumission, pour rapprocher ensuite le maréchal de mon père : n’avoir pas émigré lui semblait un crime impardonnable ; mais enfin mon père obtint le pardon de ce que le maréchal croyait être une offense envers sa patrie et envers lui, et celui-ci le chargea même de plusieurs commissions qui lui sauvèrent une partie de ses propriétés. Mon père se dévoua à ses intérêts comme s’il eût été son parent le plus proche. Le succès en fut complet : mais, les démarches qu’il fut obligé de faire ayant jeté de l’incertitude sur ce que les factieux appelaient son patriotisme, il fut destitué et