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transport : Dieu a sauvé mon père ! J’essayais de la calmer ; je voulais lui dire quelques paroles qui pussent arrêter l’excès de sa joie ; mais, tout aussi troublée qu’elle, je ne savais que répéter : Dieu a sauvé mon père ! Nous entrâmes, nous nous mîmes à genoux. Victorine joignit ses mains ; elle commença à réciter ses prières tout haut. Combien cette chère enfant était touchante ! Je demande pardon à Dieu de cette distraction, mais je ne pouvais me défendre, en la regardant, de songer qu’il fut un temps où je méconnaissais le bonheur d’avoir ma sœur près de moi. Je ne pensais alors qu’à mes plaisirs, ou plutôt à ma mauvaise humeur, qu’elle était trop jeune pour partager ; et je ne prévoyais pas devoir éprouver un jour des peines qu’elle pût adoucir. Tu me blâmais, je m’en souviens, et la justesse de ton esprit te faisait voir bien loin d’avance ce que je n’ai pu sentir qu’avec le temps.

Adieu, mon Élisa, mon amie, ma sœur ; parle de ma joie et de mon éternelle reconnaissance à ton brave frère.