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le général fut renversé et tomba sur le sable. Cependant son pied restait pris dans l’étrier, et le cheval, encore plus animé, l’allait traîner bien loin, quand mon frère arriva, saisit la bride, arrêta le cheval, et nous garantit ainsi du plus grand malheur. Ce bon frère eut à peine sauvé les jours de ton père, qu’il songea à notre effroi ; il se retourna vers nous, et nous criait : Rassurez-vous, il n’a rien, il n’est point blessé. Cependant j’avais peine à me remettre, et mon frère, inquiet de mon trouble, s’approchait du torrent, et se disposait à le franchir de nouveau pour venir me rassurer : mais mon oncle lui dit d’un ton de voix imposant : Je vous défends de passer ; et ce brave Charles, que peu de minutes auparavant rien n’avait arrêté quand il fallait sauver ton père, plein de respect pour quelques paroles de son oncle, s’arrêta tout-à-coup, et prit avec ton père le chemin du village. Nous nous hâtâmes de marcher vers le même côté ; et quand nous arrivâmes, ton père était déjà arrivé au presbytère et parfaitement remis de sa chute. Nous l’entourions avec joie et nous admirions la Providence, dont les soins généreux avaient tout disposé pour sauver sa vie. Il aurait pu rencontrer des pierres, et il était tombé sur le sable ; la jambe qui était restée suspendue à l’étrier, n’est point celle qui a été blessée. Enfin tu n’as maintenant que des grâces à rendre au ciel ; l’événement ne peut avoir aucune suite fâcheuse, et il n’a fait que procurer à deux familles