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Ma mère prétend que, dans l’éducation publique, où l’on ne peut inspecter chaque élève assez particulièrement pour découvrir ses penchans secrets, il faut éviter tout ce qui peut faire succomber l’enfance à des tentations. Les premières impressions résistent souvent au développement de la raison. C’était un tort réel, dans l’ancienne éducation, de faire mettre les enfans à genoux et en prières tout le temps que durait un orage : on leur donnait une idée fausse sur le danger qui menaçait leur vie. Dieu, dit-elle encore, dispose de nos jours de mille manières différentes. Le tonnerre n’est point son arme ; il est trop puissant pour en avoir besoin : c’est un phénomène, si bien expliqué de nos jours, qu’il n’est plus permis de l’ignorer : cependant on rencontre tous les jours des personnes qui raisonnent fort bien sur les effets de l’orage quand le ciel est calme, et qui, cédant à la force des premières impressions, tremblent au moindre coup de tonnerre. Mais je reviens à tes plaintes sur le déjeuner. Servir trois cents personnes d’une manière variée, ce serait pour les gens de cuisine une occupation trop pénible. Tu ignores donc qu’à Saint-Cyr, maison fondée par Louis XIV pour l’éducation des filles nobles sans fortune, et où ma mère a été élevée, on ne donnait que du pain à déjeuner : elle trouve tous les articles de votre règlement non-seulement nécessaires, mais indispensables, et vos passe-ports en bois sont, à son avis, d’une invention parfaite. Tous ces jugemens si contraires aux tiens te bles-