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et nous voilà toutes alignées, et marchant deux à deux au petit pas jusqu’à notre classe. Je me suis permis de demander à la dame surveillante pourquoi elle nous rangeait si ridiculement en procession : elle m’a répondu par je ne sais quelle raison ; elle prétend que, sans cette précaution, les enfans se heurteraient dans les portes et pourraient se blesser. Après la prière, la cloche s’est encore fait entendre : c’était pour la messe. Toutes mes compagnes sont allées au même endroit prendre leurs livres, et nous voilà encore alignées. La messe dite, on a sonné le déjeuner ; mais quel déjeuner ! À l’exception de celles dont la santé est délicate, et auxquelles les infirmières apportent du chocolat, nous avons toutes du lait ; un autre jour nous aurons du raisiné ou du fruit. Ne serait-il pas plus agréable de déjeuner selon son goût, avec du café, du chocolat ou des confitures ? Mais on nous prive même de la satisfaction d’avoir de l’argent, et nous ne pouvons acheter les choses qui nous seraient agréables. Demain je serai obligée de me faire éveiller par une de mes compagnes du dortoir ; car on m’a annoncé que j’aurais de plus à faire la toilette de Victorine. Il m’a fallu marquer tout mon trousseau ; je suis forcée d’aller à la roberie faire moi-même mes robes, mes tabliers, ma toque de velours et mon chapeau. Je ne croyais pas que l’on dût faire de moi une couturière ; et dans l’éducation que l’on donne ici, il ne me paraît pas qu’on s’occupe beaucoup de remplir l’intention des parens. La cruelle cloche