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lui a-t-il demandé en la prenant par la main. — Très-aise, Monseigneur, a répondu la petite sotte ; on dit qu’il y a beaucoup de petites filles et de beaux jardins. — Voilà l’âge d’être admise à la maison impériale, a dit M. le Grand-Chancelier ; la réponse naïve et gaie de la petite, les larmes de l’aînée (je pleurais sans pouvoir m’en empêcher), en sont les preuves. Cependant, Mademoiselle, m’a-t-il dit, c’est une grâce spéciale de Sa Majesté de vous admettre dans sa maison malgré vos quinze ans, et vous devez en être encore plus reconnaissante. » Ma mère a répondu que je le sentais parfaitement, et nous sommes parties. Ma lettre est déjà bien longue, mais j’ai tant de choses à te dire ! Je vais entrer dans quelques détails sur la maison ; ils t’intéresseront plus que moi, qui voudrais n’avoir pas à en faire sur ma captivité.

Écouen est à quatre lieues de Paris ; depuis Saint-Denis que l’on traverse pour s’y rendre, la route est agréable et assez variée. On arrive au château par une allée tournante, qui serait vraiment jolie si elle ne conduisait pas à cette odieuse prison.

Les parloirs sont très-propres ; mais les grilles m’ont fait un mal que je ne saurais t’exprimer. On nous a introduites dans le parloir de madame la Directrice. C’est une femme qui a plus de cinquante ans, dont la physionomie me convient assez. Elle a été fort polie avec ma mère, et très-caressante pour ma sœur et pour moi. Après avoir reçu nos