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LETTRE V.

Zoé à Élisa.

Valence, ce 2 avril 1808.

Tu loues tout ce que je blâme, tu t’enchantes de tout ce qui me désespère ; si je n’avais pas entendu dire à mon père que les caractères les plus opposés sont ceux qui se lient le plus facilement, je ne concevrais pas comment j’ai pu m’attacher à toi, ni comment je t’aime encore. Cependant, je l’avoue, tu m’impatientes, tu me parais pédante à l’excès, et j’ai toujours du faible pour toi. Ne va donc pas croire avoir fait une convertie ; non, mon humeur est toujours la même. Je trouve plusieurs des actions de Napoléon dignes de l’enthousiasme qu’elles font naître ; mais je ne puis applaudir à son idée de réunir tant de jeunes filles dans un aussi sévère asile. Si j’étais instruite comme tu l’es, rien ne me forcerait de cacher à mon père le désespoir que j’éprouve. Mais en six mois j’espère bien savoir parfaitement ma langue, et dessiner agréablement ; quant aux devoirs du ménage, je les apprendrai aussi bien chez ma mère qu’à Écouen. Je pars donc, bien résolue de me livrer, dans quelque temps, à un tel désespoir, que ma santé en souffrira réelle-