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je commençais à écrire sous la dictée ; j’apprenais mes verbes, je savais mon catéchisme et plusieurs fables. Ma pauvre mère, qui se trouvait à peu près réduite à sa seule pension, vint me retirer ; je la vois encore avec ses lugubres coiffes noires : elle était pâle ; elle m’embrassa sans rien dire, et ses sanglots m’apprirent mon malheur ; je partis en regrettant mes maîtresses, mes livres et mes jeunes amies.

Le peu qu’on m’avait enseigné, me fit connaître l’utilité de quelques livres que je trouvai chez ma mère ; mais, seule, que peut-on bien apprendre ? Et c’est toi, Zoé, qui es nommée à Écouen, et c’est moi qui ne peux l’être ! Ma mère et mon bon oncle le curé disent qu’on ne doit pas murmurer contre les décrets de la Providence ; il me faut bien respecter leur morale pieuse, pour avoir la raison de m’y soumettre.

L’enthousiasme de ton brave père est fort naturel ; un militaire qui a si bien servi sa patrie, peut-il n’être pas ravi d’en recevoir d’honorables récompenses ? Ta mère a pleuré, je le crois bien ; la mienne pleurerait aussi au moment de notre séparation ; mais en même temps elle aurait de la joie de voir mon désir de m’instruire entièrement satisfait. Elle m’a souvent répété qu’une excellente éducation peut seule tenir lieu de fortune. Tu n’as rien, je n’ai pas grand’chose, gagnons notre dot. Adieu, ma Zoé : quoi que tu puisses dire, reçois mon sincère compliment.