Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 3.djvu/154

Cette page a été validée par deux contributeurs.

cela sa bénédiction et un ordre de ne plus paraître en sa présence.

Fallait-il qu’un cœur aussi sensible que celui de mon père fût privé de cette tendresse paternelle qui fait le bonheur, le charme de la jeunesse, et qui lui est en même temps si utile ! Sa bonne mère, qui trouvait cette séparation trop cruelle et trop peu faite pour son cœur, lui donna rendez-vous à minuit, trouva le moyen de sortir de la chambre de son mari sans être entendue, et vint se livrer aux doux épanchemens de son cœur. Elle promit au jeune voyageur qu’elle veillerait à ses besoins, en lui recommandant, comme de raison, une sévère économie ; car elle ne disposait que d’une très-petite partie du revenu confié à ses soins pour un ménage décent, mais très-modeste et peu nombreux. Mon père passa la nuit à faire ses préparatifs, et le plaisir de voyager et de quitter un asile aussi sévère que la maison de son père, était balancé par la douleur de s’éloigner d’une aussi tendre mère.

Le matin, à six heures, tous ses paquets faits et n’ayant plus qu’à serrer ses 1500 liv. et quelques louis que la maman avait ajoutés à cette somme, il reçut la visite d’un jeune mousquetaire qui prétendait être de ses amis. À la vue de cet or et de ces écus, ce jeune insensé se permit de conseiller à mon père de différer son départ, et d’essayer de doubler cette somme qui lui paraissait trop mince pour un si grand voyage. Mon père lui demanda