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grand-père fut traité dans la maison paternelle, après avoir été couronné pour tous les premiers prix dans ses colléges, devait lui paraître d’autant plus insoutenable, qu’il sentait ses moyens.

Il fut alors question de choisir un état. Son père lui proposa de suivre le barreau, ou de lui acheter, pour l’établir en même temps avec une fille fort riche, une charge de conseiller au Châtelet. Le premier parti lui convenait mieux : je l’ai vu même regrettant quelquefois cet état dans les momens où il éprouvait quelques dégoûts auprès des ministres. Il eût été un des plus célèbres avocats de son siècle, ayant une éloquence naturelle, pleine de charmes et de douceur, la tête la mieux meublée, et une rapidité étonnante dans les idées. Son style aussi était facile, élégant et correct ; mais, pour suivre cet état, il fallait rester à Paris et sous une férule aussi sévère et aussi injuste que celle de son père. Cette crainte lui fit donc préférer les voyages et la carrière diplomatique.

Il fallut employer tous les vieux amis du papa, tous les marguilliers de la paroisse Saint-Sulpice, ses collègues, pour obtenir son consentement. Ce fut l’ouvrage de plusieurs mois, pendant lesquels mon malheureux père ne parut ni à la table de son père, ni dans son salon. Il mangeait tristement un morceau, et retournait à sa chambre. Enfin l’aveu de son père étant obtenu, il lui fit faire un trousseau, lui donna une montre d’or et 1500 liv. en argent, avec la permission de partir. Il ajouta à