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toujours la portière de la chaise. La plus petite préférence accordée par les souverains au moindre de leurs serviteurs ne manque jamais d’être remarquée[1]. Le roi avait fait quelque bien à la nombreuse famille de cet homme, et lui parlait souvent. Un abbé, attaché à la chapelle, s’avisa de le prier de remettre au roi un placet dans lequel il suppliait Sa Majesté de lui accorder un bénéfice. Louis XIV n’approuva pas la confiante démarche de son porteur, et lui dit d’un ton très-fâché : « D’Aigremont, on vous fait faire une chose très-déplacée, et je suis sûr qu’il y a de la simonie là-dedans. — Non, Sire, il n’y a pas la moindre cérémonie là-dedans, reprit ce pauvre homme d’un air très-effrayé ; M. l’abbé m’a dit qu’il me baillerait cent louis pour cela. — D’aigremont,

  1. Une anecdote, que probablement l’auteur ignorait, justifie sa réflexion. De très-grands personnages ne dédaignaient pas de descendre jusqu’à d’Aigremont. « Lauzun, dit madame la duchesse d’Orléans dans ses Mémoires*, Lauzun fait quelquefois le niais, afin de pouvoir dire impunément aux gens leur fait ; car il est très-malicieux. Pour faire sentir au maréchal de Tessé qu’il avait tort de se familiariser avec les gens du commun, il s’écria dans le salon de Marly : « Maréchal, donnez-moi un peu de tabac ; mais du bon, de celui que vous prenez le matin avec M. d’Aigremont, le porteur de chaise. »
    (Notes de l’édit.)

    *. Les Mémoires de la duchesse d’Orléans, beaucoup plus piquans que discrets et réservés, ont été publiés en 1822 chez Ponthieu, libraire, au Palais-Royal.