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l’écho des sentimens du prince ; mais ce pas en avant n’est fait que pour se mettre en position de perdre celui qui a été favorablement désigné. Alors le jeu de l’intrigue commence ; si l’on peut, on tue par la calomnie ce nouvel objet d’inquiétude ; l’idée favorable du prince est détournée ou annulée, et l’on jouit de cette facile victoire. Mais si le souverain, persévérant dans son opinion et ses sentimens, fait percer les rangs à l’homme qu’il a remarqué, et auquel il croit avoir reconnu des talens utiles ou des qualités aimables ; s’il l’introduit parmi ses favoris, l’attaque ne cesse plus, les années n’en ralentissent point l’ardeur ; on prend toutes les formes, tous les moyens pour le perdre. Le public vient alors au secours des courtisans, ce ne sont plus eux qui parlent ; au contraire, les prévenances, les égards, les soins répondent à l’instant à la faveur du monarque ; ils en charment, ils en étourdissent leur victime, ils compriment leur jalousie, ils laissent au temps à diminuer l’enchantement du prince ; ils savent que les sentimens des hommes sont disposés à se ralentir ; ils s’aperçoivent du moment où la première chaleur de l’engouement diminue, ils commencent leur attaque. Si ces premiers coups réveillent l’attention du monarque, et lui font juger les manœuvres des courtisans, s’il donne quelque nouveau signe de faveur à l’objet de leur envie, ils se replient à l’instant et ajournent leur projet.

L’homme du plus grand mérite doit faire quel-