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L’ABBÉ DE COUR.

Le jour où la reine Marie-Antoinette reçut à Versailles la première visite du grand-duc et de la grande-duchesse de Russie, la foule des curieux remplissait le palais et assiégeait les portes. La reine m’avait donné la garde de ses cabinets intérieurs, avec la consigne de ne laisser pénétrer de ce côté que la fille de madame la duchesse de Polignac, encore enfant, et qui devait se tenir auprès de son lit, dans l’intérieur de la balustrade, pour assister à la réception du grand-duc. Un jeune abbé s’insinue dans les cabinets, traverse la bibliothèque, et ouvre la porte qui communiquait dans l’intérieur de cette balustrade. Je vais avec précipitation vers lui, je l’arrête ; il recule de quelques pas et me dit : « Pardonnez-moi, Madame, je viens de quitter le séminaire, je ne connais point l’intérieur du palais de Versailles, mon père m’a dit pour unique instruction : Mon fils, allez toujours devant vous jusqu’à ce qu’on vous arrête, alors soumettez-vous avec respect à la consigne : Vous m’arrêtez, Madame, je me retire et vous prie de m’excuser. » Ce jeune homme a dû savoir aller devant lui avec confiance, et s’arrêter avec circonspection.