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Extrait des différentes lettres de madame Campan, première femme de chambre de la reine, du 5 octobre au 31 décembre 1789.

J’ignore si j’aurai la force de vous tracer les scènes affligeantes qui viennent de se passer presque sous mes yeux. Mes sens égarés ne sont point encore calmés, mes rêves sont affreux, mon sommeil pénible. Ma sœur était auprès de la reine pendant la nuit du 5 : je tiens d’elle une partie des circonstances que je vais vous dire. Lorsque M. de La Fayette eut quitté le roi en disant qu’il allait faire loger ses troupes comme il le pourrait, tout le monde au château crut pouvoir goûter les douceurs du repos. La reine elle-même se coucha, et lorsque ma sœur eut rempli auprès d’elle ses fonctions, elle se retira dans la chambre qui précède la sienne ; là, se laissant aller aux accens de la douleur, elle dit à ses compagnes, en fondant en larmes : « Se couche-t-on quand il y a dans une ville trente mille hommes de troupes, dix mille brigands et quarante-deux pièces de canon ? — Non assurément, répondirent-elles, il ne faut pas nous rendre coupables d’un pareil tort. » Elles restèrent donc tout habillées, et s’assoupirent appuyées sur leurs lits. Il était alors quatre heures. À six heures