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ce caractère, s’érigeant en conseiller, lui dit qu’il fallait maintenant qu’elle éloignât d’elle tous ces courtisans qui perdent les rois, et qu’elle aimât les habitans de sa bonne ville. La reine répondit qu’elle les avait aimés à Versailles, et les aimerait de même à Paris. Oui, oui, dit une autre ; mais au 14 juillet vous vouliez assiéger la ville et la faire bombarder, et au 6 octobre vous deviez vous enfuir aux frontières. La reine répondit avec bonté qu’on le leur avait dit, et qu’elles l’avaient cru ; que c’était là ce qui faisait le malheur du peuple, et celui du meilleur des rois. Une troisième lui adressa quelques paroles en allemand ; la reine lui dit qu’elle ne l’entendait plus, qu’elle était si bien devenue Française qu’elle avait même oublié sa langue maternelle. Des bravos et des battemens de mains répondirent à cette déclaration ; alors elles lui dirent de faire un pacte avec elles : « Eh, comment, reprit la reine, puis-je faire un pacte avec vous, puisque vous ne croyez pas à celui que mes devoirs me dictent, et que je dois respecter pour mon propre bonheur ? » Elles lui demandèrent les rubans et les fleurs de son chapeau ; Sa Majesté les détacha elle-même et les leur donna ; ces objets furent partagés entre toute la troupe, qui ne cessa de crier pendant plus d’une demi-heure : Vive Marie-Antoinette ! vive notre bonne reine !

Deux jours après l’arrivée du roi à Paris, la ville et la garde nationale envoyèrent prier la reine de paraître au spectacle, et de constater, par sa pré-