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attendrissant que les adieux de la reine et de son amie ; l’excès du malheur avait écarté loin d’elles le souvenir des différens que les opinions politiques avaient seules fait naître. Après ces tristes adieux, la reine eut plusieurs fois le désir de l’aller encore embrasser ; ses démarches étaient trop observées : elle fut obligée de se priver de cette dernière consolation, mais elle chargea M. Campan d’assister à son départ, et lui remit une bourse de cinq cents louis, en lui ordonnant d’insister pour qu’elle trouvât bon qu’elle lui prêtât cette somme pour fournir aux frais de sa route. La reine ajouta qu’elle connaissait sa position ; qu’elle avait souvent calculé ses revenus et les dépenses qu’exigeait sa place à la cour ; que le mari et la femme, n’ayant d’autre fortune que les traitemens de leurs charges,

    cesse, quoiqu’elle fût plus âgée que lui de six ans*. Mais on résolut de le faire voyager une année ou deux avant de le laisser tête à tête avec son épouse ; il trompa la vigilance de ses argus et l’enleva du couvent où elle était. Madame la duchesse de Bourbon accoucha en 1771 du duc d’Enghien, après avoir souffert pendant quarante-quatre heures des douleurs que les femmes seules peuvent apprécier. L’enfant vint au monde tout noir et sans mouvement. On l’enveloppa de linges trempés dans de l’esprit-de-vin ; mais ce remède faillit lui être funeste, car une étincelle ayant volé sur ses langes, le feu y prit. Cet accident fut arrêté par les soins de l’accoucheur et du médecin. »

    (Note de l’édit.)

    *. C’est à l’occasion de ce mariage que Laujon fit sa jolie pièce de l’Amoureux de quinze ans.