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et baissait son chapeau jusqu’à son étrier. Mais le peuple, flatté depuis trois ans, avait besoin d’autres honneurs rendus à sa puissance, et ce pauvre homme ne fut pas remarqué. On avait éveillé le roi et madame Élisabeth qui s’était rendue près de lui. La reine, cédant à l’accablement de ses peines, avait, par extraordinaire, dormi, ce jour-là, jusqu’à neuf heures. Le roi était déjà venu savoir si elle était éveillée : je lui avais rendu compte de ce que j’avais fait et du soin que j’avais eu de respecter son sommeil. Il m’en remercia et me dit : « J’étais éveillé, tout le palais l’était, elle ne courait aucun risque ; c’est bien heureux de la voir prendre un peu de repos. Oh ! ses peines doublent les miennes, » ajouta le roi en me quittant. Quel fut mon chagrin, lorsqu’à son réveil, la reine, instruite de ce qui s’était passé, se mit à pleurer amèrement de regret de n’avoir pas été éveillée, et me reprocha à moi, sur l’amitié de laquelle elle devait compter, de l’avoir si mal servie dans une semblable circonstance ! Je lui répétais en vain que ce n’avait été qu’une très-fausse alarme, qu’elle avait besoin de réparer ses forces abattues : « Elles ne le sont pas, disait-elle, le malheur en donne de très-grandes. Élisabeth était près du roi, et je dormais ! moi qui veux périr à ses côtés : je suis sa femme, je ne veux pas qu’il coure le moindre péril sans moi. »