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la table qui était au milieu de la salle du conseil, puis en passant devant la cheminée elle y jeta les lettres qui furent consumées. Le roi devint furieux ; il saisit son audacieuse maîtresse par le bras et la mit à la porte sans lui parler. Madame Du Barry se crut disgraciée ; elle rentra chez elle et resta seule pendant deux heures livrée à la plus grande inquiétude. Le roi vint la trouver ; la comtesse, en larmes, se précipita à ses pieds, et il lui pardonna.

La maréchale de Beauvau, la duchesse de Choiseul et la duchesse de Grammont avaient renoncé à l’honneur de la société intime du roi, plutôt que de s’y trouver avec madame Du Barry. Mais quelques années après la mort de Louis XV, la maréchale étant seule au Val avec mademoiselle de Dillon, vit la calèche de la comtesse s’abriter dans la forêt de Saint-Germain pendant un violent orage. Elle lui fit offrir d’entrer, et ce fut la comtesse qui raconta ces détails que je tiens de la maréchale de Beauvau[1].

  1. Chamfort raconte, avec des circonstances différentes, la visite de madame Du Barry au Val.

    « Madame Du Barry, dit-il, étant à Vincennes, eut la curiosité de voir le Val, maison de M. de Beauvau. Elle fit demander à celui-ci si cela ne déplairait pas à madame de Beauvau. Madame de Beauvau crut plaisant de s’y trouver et d’en faire les honneurs. On parla de ce qui s’était passé sous Louis XV. Madame Du Barry se plaignit de différentes choses qui semblaient faire voir qu’on haïssait sa personne. Point du tout, dit madame de Beauvau, nous n’en voulions qu’à votre place. Après cet aveu naïf, on