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ennuyé des plaisirs, rassasié de volupté. L’esprit, les talens, les grâces de la marquise de Pompadour, sa beauté régulière, et jusqu’à son amour pour le roi, n’auraient plus eu d’empire sur cet être usé.

Il lui fallait une Roxelane d’une gaieté familière, sans respect pour la dignité du souverain. Madame Du Barry porta l’oubli des convenances jusqu’à vouloir un jour assister au conseil-d’État : le roi eut la faiblesse d’y consentir ; elle y resta ridiculement perchée sur le bras de son fauteuil, et y fit toutes les petites singeries enfantines qui doivent plaire aux vieux sultans[1].

Une autre fois elle saisit dans les mains du roi tout un paquet de lettres encore cachetées, parmi lesquelles elle en avait reconnu une du comte de Broglie ; elle dit au roi qu’elle savait que ce vilain Broglie lui disait du mal d’elle, et qu’au moins elle s’assurerait que cette fois il ne lirait rien d’écrit sur son compte. Le roi voulut se saisir du paquet, elle résista, lui fit faire deux ou trois fois le tour de

    trouvait étrange qu’il se fâchât parce qu’on le croyait, comme tant d’autres, exposé aux disgrâces de l’hymen. Louis XV qui était présent, et qui riait de sa colère, lui dit : « Allons, M. de Brissac, ne vous fâchez point, c’est un petit malheur, ayez bon courage. — Sire, répondit M. de Brissac, j’ai toutes les espèces de courage, excepté celui de la honte. »

    (Note de l’édit.)

  1. Pour éviter d’inutiles répétitions, nous renvoyons le lecteur aux Mémoires du général Dumouriez, qui contiennent, tome Ier, p. 142, de curieux détails sur madame Du Barry.
    (Note de l’édit.)