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son d’être rentrée dans son cabinet sans la moindre marque d’agitation, quoiqu’elle en éprouvât une si vive, me dit-elle, qu’elle avait de la peine à se rendre jusqu’à son fauteuil. Elle ajouta que les moralistes avaient raison lorsqu’ils disaient que le bonheur n’habite point dans les palais ; qu’elle en avait acquis la certitude ; que, si je voulais être heureuse, elle me conseillait de venir jouir d’une retraite où l’activité des idées pouvait se satisfaire en s’élevant vers un monde meilleur. Je n’avais point à faire à Dieu le sacrifice d’un palais et des grandeurs de la terre, mais celui de l’intérieur d’une famille bien unie ; et c’est là que les moralistes qu’elle me citait ont justement placé le vrai bonheur. Je lui répondis que dans la vie privée l’absence d’une fille aimée, chérie, se faisait trop cruellement sentir à sa famille. La princesse n’ajouta rien à ce qu’elle m’avait dit[1].

  1. Les Souvenirs de Félicie contiennent aussi le récit d’une visite faite à Saint-Denis, par madame de Genlis. Comme les détails en sont intéressans, on nous saura gré de les citer ici.

    « J’ai passé toute ma matinée à Saint-Denis. Madame la duchesse de Chartres allait aux Carmélites faire une visite à madame Louise ; j’ai désiré la suivre, elle a bien voulu m’y mener. De tout temps, les personnes qui ont assez de force dans le caractère pour renoncer au faste et à la grandeur, ont excité l’admiration et la curiosité de tous les hommes. Il y a dans les abdications une sorte de magnanimité qui frappe et qui console le vulgaire : on aime à voir mépriser le rang où l’on ne peut atteindre. Il n’a fallu souvent que de l’audace et du bonheur pour s’élever au trône ; mais pour en descendre volontairement, pour le quitter