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cesse auprès d’elle une femme qui, depuis quarante ans, ne l’avait pas un moment quittée ; qui avait partagé ses peines comme ses instans de bonheur ; qui devinait ses pensées, épiait ses moindres désirs, et payait une confiance sans bornes des soins du plus tendre attachement : tous ceux qui ont connu madame Campan nommeront ici madame Voisin. « Du courage, lui disait-elle ; la mort ne séparera point deux amies comme nous[1]. »

Elle donnait elle-même l’exemple de la force d’ame qu’elle voulait inspirer aux autres. Tantôt, reportant ses souvenirs vers les années de sa jeunesse, elle revoyait la jeune fille, si vive et si gaie, que Louis XV surprenait au milieu de ses jeux. Tantôt elle se rappelait avec attendrissement les bontés dont Marie-Antoinette payait son dévouement. « L’œil-de-bœuf de Versailles, disait-elle, ne me pardonnera jamais d’avoir obtenu la confiance de la reine et du roi. Les demandes d’un essaim de flatteurs étaient souvent injustes ; et quand la reine daignait me consulter, j’étais sincère[2]. »

Quelquefois le sort de la France l’occupait. Les lumières qui partent du trône la rassuraient seules contre les prétentions exagérées de quelques hommes. « Le pouvoir, disait-elle, est aujourd’hui dans les lois. Partout ailleurs il serait déplacé. Mais cette vérité

  1. La mort en effet ne les séparera point. La famille de madame Campan lui a fait élever un tombeau dans le cimetière de Mantes. On lit une épitaphe fort simple sur une colonne de marbre blanc, surmontée d’une urne. Aux quatre côtés du monument sont des touffes de Dalia : au-dessous est le caveau qui renferme ses cendres. L’amie qu’elle a laissée reposera près d’elle.
  2. Relation de M. Maignes.