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d’une part, on prit trop de goût pour les manières, les habitudes du peuple, ainsi que pour les maximes démocratiques qui mettaient tout de niveau, tandis que, de l’autre, on l’accoutumait au mépris, à l’insubordination, à l’indolence. C’est une grande leçon pour ceux qui règnent. Ils oublient trop souvent qu’on ne fait rien de bon, si on ne connaît parfaitement le génie de la nation qu’on gouverne ; et qu’il en est des usages imités par les peuples voisins, comme de certaines plantes qui, en changeant de climat, deviennent vénéneuses. » (Histoire de Marie-Antoinette, par Montjoie.)


Note (S), page 230.

« La reine, dans le choix de ses divertissemens, ne se montrait pas plus soumise au cérémonial ; on jouait la comédie dans l’intérieur de ses appartemens : elle ne dédaignait pas d’y accepter des rôles, et ces rôles n’étaient pas les plus nobles ; elle jouait aussi dans des opéras-comiques. Ce genre d’amusement fut, comme la simplicité de ses habits, blâmé et imité : le goût pour les représentations théâtrales passa dans toutes les classes de la société ; il n’y eut pas un homme de qualité, pas un financier, pas un bourgeois un peu aisé, qui ne voulût avoir chez lui une salle de spectacle, et y copier les manières des acteurs. Autrefois un simple gentilhomme eût été déshonoré, si l’on eût cru qu’il se fût métamorphosé en comédien, même dans l’intérieur d’une maison. La reine ayant détruit, par son exemple, ce préjugé salutaire, le chef même de la magistrature, oubliant la dignité de sa place, apprit par cœur et joua des rôles bouffons.

Cette manie, devenant générale, combla peu à peu l’intervalle qui avait toujours séparé les comédiens des autres classes de la société : on les fréquenta plus que jamais, et les mœurs ne gagnèrent pas à ce rapprochement.