Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/314

Cette page a été validée par deux contributeurs.

partisans prenaient d’occuper sans cesse le public de ses plans ; ses amis étaient trop chauds : la reine vit de l’esprit de parti dans ces opinions de société, et se rangea entièrement parmi ses ennemis.

Après MM. Joly de Fleury et d’Ormesson, faibles contrôleurs-généraux, on fut obligé de recourir à un homme d’un talent plus reconnu, et les amis de la reine, réunis en ce moment au comte d’Artois, et, par je ne sais quel motif, à M. de Vergennes, firent nommer M. de Calonne. La reine en eut un déplaisir extrême, et son intimité avec la duchesse de Polignac commença à en souffrir : c’est à cette époque qu’elle disait que lorsque les souverains avaient des favoris, ils élevaient auprès d’eux des puissances, qui, encensées d’abord pour leurs maîtres, finissaient par l’être pour eux-mêmes, avaient un parti dans l’État, agissaient seuls, et faisaient retomber le blâme de leurs actions sur les souverains auxquels ils devaient leur crédit.

Les inconvéniens de la vie privée, pour une souveraine, frappaient alors la reine sous tous les rapports ; elle m’en entretenait avec confiance, et m’a souvent dit que j’étais la seule personne instruite des chagrins que ses habitudes de société lui donnaient ; mais qu’il fallait supporter des peines dont on était seule l’auteur ; que l’inconstance dans une amitié telle que celle qui l’avait liée à la duchesse, et une rupture totale, avaient des inconvéniens encore plus graves, et ne pouvaient amener que de nouveaux torts. Ce n’est pas qu’elle eût