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Elle fut bientôt remise de ce premier trouble, et reparut avec grâces et confiance. Le dîner fut assez gai, la conversation fort animée.

Il y eut de très-belles fêtes à la cour pour le roi de Suède et le comte du Nord. Ils furent reçus dans l’intérieur du roi et de la reine ; mais on garda beaucoup plus de cérémonial qu’avec l’empereur, et Leurs Majestés me parurent toujours s’observer beaucoup devant ces souverains. Cependant le roi demanda un jour au grand-duc de Russie, s’il était vrai qu’il ne pût compter sur la foi d’aucun de ceux qui l’accompagnaient ; ce prince lui répondit, sans hésiter et devant un assez grand nombre de personnes, qu’il serait très-fâché d’avoir avec lui un caniche qui lui fût très-attaché, parce qu’il ne quitterait pas Paris que sa mère ne l’eût fait jeter dans la Seine avec une pierre au cou : cette réponse que j’entendis me fit peur, soit qu’elle peignît le caractère de Catherine, soit qu’elle exprimât les préventions de ce prince[1].

  1. Ce prince qui régna depuis en Russie, sous le titre de Paul Ier, et dont la fin fut si tragique, obtient de Grimm, dans sa Correspondance, les éloges les plus flatteurs ; mais il ne faut pas oublier que parmi les souverains auxquels cette Correspondance était adressée, se trouvait l’impératrice de Russie, mère du comte du Nord. Quoi qu’il en soit, voici le passage ; Grimm dit, en parlant de ce prince : « À Versailles, il avait l’air de connaître la cour de France aussi bien que la sienne. Dans les ateliers de nos artistes* [* Il a vu surtout avec le plus grand intérêt ceux de MM. Greuze et Houdon.(Note de Grimm.)], il décelait toutes les connaissances de l’art qui