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nette, jusqu’à celui de sa fin, ce genre d’attaques ne cessa plus un moment d’être dirigé contre elle. L’esprit de parti ne tarda point à s’en emparer : la presse ou le burin servaient également la fureur de ses ennemis. Gravures obscènes, vers licencieux, libelles impurs, accusations atroces, j’ai tout vu, j’ai tout lu, et je voudrais pouvoir ajouter comme l’infortunée princesse, dans une des plus honorables circonstances de sa vie : J’ai tout oublié. La lecture, la vue de ces monumens d’une haine implacable, laissent une impression de tristesse et de dégoût qu’on ne peut vaincre, et qu’accroît encore l’idée des maux accumulés, par la calomnie, sur la tête de Marie-Antoinette.

N’anticipons point sur les événemens : ce n’est point ici qu’on trouvera le tableau des derniers malheurs de la reine. Sa prison, ses fers, son dénuement ; les coups dont son cœur est brisé ; la force d’ame qui la soutient, l’amour maternel qui l’attache encore à la vie, la religion qui la console : tous ces détails touchans ou sublimes d’une scène que termine une si tragique catastrophe, appartiennent à d’autres Mémoires ; mais il est une réflexion que cette fin funeste provoque involontairement.

Quand le terrible Danton s’écriait : Les rois de l’Europe nous menacent, c’est à nous de les braver ; jetons-leur pour défi la tête d’un roi ! ces détestables paroles, suivies d’un si cruel, d’un si déplorable effet, annonçaient encore une effrayante combinaison politique. Mais la reine ! Quelle farouche raison d’État Danton, Collot-d’Herbois, Robespierre pouvaient-ils invoquer contre elle ? Où avaient-ils vu que ces Grecs, ces Romains dont nos soldats rappelaient les vertus guerrières, égor-