Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/261

Cette page a été validée par deux contributeurs.

exemple, qu’on pouvait, comme la reine Blanche, unir les talens d’un souverain aux vertus d’une pieuse princesse. Le roi fut très-touché de cette mort, et dit, à l’arrivée du courrier de Vienne, qu’il ne se sentait pas la force d’affliger la reine en lui apprenant un événement dont il était lui-même si pénétré de douleur. Sa Majesté pensa que l’abbé de Vermond, qui avait eu la confiance de Marie-Thérèse pendant son séjour à Vienne, était la personne la plus propre à s’acquitter de ce pénible devoir auprès de la reine ; il envoya M. de Chamilly, son premier valet de chambre, chez l’abbé de Vermond, le soir du jour où il avait reçu les dépêches de Vienne, pour lui ordonner d’être le lendemain chez la reine avant l’heure de son déjeuner, de s’acquitter avec prudence de la commission affligeante dont il le chargeait, et de le faire avertir du moment où il entrerait dans la chambre de la reine ; l’intention de Sa Majesté étant d’y arriver juste un quart-d’heure après lui. Le roi vint ponctuellement à l’heure qu’il avait indiquée ; on l’annonça ; l’abbé sortit, et Sa Majesté lui dit, comme il se rangeait à la porte pour la laisser passer : Je vous remercie, monsieur l’abbé, du service que vous venez de me rendre. C’est la seule fois, pendant l’espace de dix-neuf ans, que le roi lui ait adressé la parole.

La douleur de la reine fut telle qu’on devait la prévoir et la craindre. Une heure après avoir appris cet événement, elle prit le deuil de respect en attendant que le deuil de cour fût prêt ; elle resta