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il lui répondit qu’il chercherait toujours à profiter, pour le bien des peuples, des lumières dues aux philosophes, mais que son métier de souverain l’empêcherait toujours de se ranger parmi les adeptes de cette secte. Le clergé fit aussi des démarches pour que Voltaire ne parût point à la cour. Cependant Paris porta au plus haut degré l’enthousiasme et les honneurs rendus au grand poëte. Il y avait un inconvénient majeur à laisser Paris prononcer, avec de pareils transports, une opinion aussi contraire à celle de la cour ; on le fit bien observer à la reine, en lui représentant qu’elle devrait au moins, sans accorder à Voltaire les honneurs de la présentation, le voir dans les grands appartemens ; elle ne fut pas trop éloignée de suivre cet avis, et paraissait uniquement embarrassée de ce qu’elle lui dirait, dans le cas où elle consentirait à le voir. On lui conseilla de lui parler seulement de la Henriade, de Mérope et de Zaïre : la reine dit à ceux qui avaient pris la liberté de lui faire ces observations, qu’elle consulterait encore des personnes dans lesquelles elle avait une grande confiance. Le lendemain, elle répondit qu’il était décidé irrévocablement que Voltaire ne verrait aucun membre de la famille royale, ses écrits étant pleins de principes qui portaient une atteinte trop directe à la religion et aux mœurs. « Il est pourtant étrange, ajouta la reine en rendant la réponse, que nous refusions d’admettre Voltaire en notre présence, comme chef des écrivains philosophes, et que la maréchale de Mouchy