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rite de ses ouvrages ; qu’il savait que cette opinion était générale, et qu’il craignait sans doute que la modestie exigée par les bienséances ne parût en lui de la fausseté. La reine n’aimait pas uniquement le grand genre des opéras français et italiens ; notre opéra-comique lui plaisait aussi infiniment ; elle appréciait beaucoup la musique de Grétry, si analogue à l’esprit et au sentiment des paroles, que le temps n’a pu en diminuer le charme. On sait qu’un grand nombre de poëmes mis en musique par Grétry, sont de Marmontel. Le lendemain de la première représentation de Zémire et Azor, Marmontel et Grétry furent présentés à la reine, dans la galerie de Fontainebleau, qu’elle traversait pour se rendre à la messe. La reine adressa tous ses complimens à Grétry, sur le succès du nouvel opéra ; lui dit que, dans la nuit, elle avait songé à l’effet enchanteur du trio du père et des sœurs de Zémire derrière le miroir magique, et poursuivit son chemin après ce compliment. Grétry, transporté de joie, prend dans ses bras Marmontel : « Ah ! mon ami, s’écrie-t-il, voilà de quoi faire d’excellente musique… — Et de détestables paroles, »

    qu’il mérite, ne cessait de dire que, dans un sujet aussi sérieux et aussi intéressant, les sauts et les danses étaient déplacés. Sur de nouvelles sollicitations de Vestris : « Une chaconne, une chaconne ! reprit le musicien courroucé : est-ce que les Grecs, dont il faut peindre les mœurs, avaient des chaconnes ? — Ils n’en avaient pas ! reprit le danseur étonné : ma foi, tant pis pour eux ! »

    (Note de l’édit.)