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sait maigre tout le carême. Il trouvait bon que la reine n’observât point ces usages avec la même rigueur ; pieux dans le cœur, les lumières du siècle avaient cependant disposé son esprit à la tolérance ; modeste et simple, Turgot, Malesherbes et Necker avaient jugé qu’un prince de ce caractère sacrifierait volontiers les prérogatives royales à la solide grandeur de son peuple ; son cœur le portait, à la vérité, vers des idées de réforme ; mais ses principes, ses préjugés, ses craintes, les clameurs des gens pieux et des privilégiés, l’intimidaient et lui faisaient abandonner des plans que son amour pour le peuple lui avait fait adopter.

Monsieur avait dans son maintien plus de dignité que le roi ; mais sa taille et son embonpoint gênaient sa démarche ; il aimait la représentation et la magnificence ; il cultivait les belles-lettres, et, sous des noms empruntés, fit plusieurs fois insérer dans le Mercure ou dans d’autres journaux des vers dont il était l’auteur[1].

  1. Élevé sur le trône ou placé seulement sur ses premiers degrés, le prince dont parle ici madame Campan aima toujours et protégea les lettres. La faveur éclairée qu’il accordait aux talens était connue de la France entière. Dans un voyage que fit Monsieur pour parcourir diverses provinces du royaume, il visita Toulouse. « Après que le parlement eut harangué ce prince, dit un ouvrage du temps, son altesse royale, par une distinction particulière qu’elle voulut accorder aux lettres, reçut l’hommage de l’Académie des jeux floraux avant celui des Cours souveraines. L’abbé d’Auffreri, conseiller au parlement, porta la parole au nom de l’Académie dont il était membre. « C’est, dit-il, à l’élo-