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émue, couvrit de son mouchoir ses yeux remplis de pleurs, et cet aveu public de sa sensibilité vint encore ajouter à l’ivresse.

Une telle réception conduisit malheureusement la reine à rechercher trop souvent les occasions qui pouvaient lui offrir ou lui rappeler d’aussi douces jouissances.

Le roi lui donna le petit Trianon[1]. Ce fut dès lors qu’elle s’occupa d’embellir les jardins, en ne permettant aucune augmentation dans le bâtiment et aucun changement dans le mobilier devenu très-mesquin, et qui existait encore en 1789, tel qu’il était sous le règne de Louis XV. Tout fut conservé sans exception, et la reine y couchait dans un lit très-fané, et qui avait même servi à la comtesse Du Barry. Le reproche de prodigalité, généralement fait à la reine, est la plus inconcevable des erreurs populaires qui se soient établies dans le monde sur son caractère[2]. Elle avait entièrement le défaut

  1. Le château du petit Trianon, bâti pour Louis XV, n’a rien de remarquable pour la beauté du monument. La richesse des serres-chaudes rendait ce lieu agréable à ce prince. Plusieurs fois dans l’année, il y passait quelques jours. C’est en partant de Versailles pour se rendre au petit Trianon, qu’il fut frappé au côté par le couteau du régicide Damiens ; et ce fut dans le même lieu qu’il fut atteint de la petite-vérole dont il mourut le 10 mai 1774.
    (Note de madame Campan.)
  2. Ce reproche de prodigalité, fait à la reine avec tant d’injustice, a été si généralement répandu en France et dans toute l’Europe, qu’il a dû tenir au projet de rendre la cour uniquement responsable du mauvais état des finances.
    (Note de madame Campan.)