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dîner public. Les huissiers laissaient entrer tous les gens proprement mis ; ce spectacle faisait le bonheur des provinciaux. À l’heure des dîners on ne rencontrait, dans les escaliers, que de braves gens, qui, après avoir vu la dauphine manger sa soupe, allaient voir les princes manger leur bouilli, et qui couraient ensuite à perte d’haleine pour aller voir Mesdames manger leur dessert[1].

L’usage, le plus anciennement établi, voulait aussi qu’aux yeux du public, les reines de France ne parussent environnées que de femmes ; l’éloignement des serviteurs de l’autre sexe existait même aux heures des repas pour le service de table ; et quoique le roi mangeât publiquement avec la reine, il était lui-même servi par des femmes pour tous les objets qui lui étaient directement présentés à table. La dame d’honneur, à genoux pour sa commodité, sur un pliant très-bas, une serviette posée sur le bras, et quatre femmes en grand habit, présentaient les assiettes au roi et à la reine. La dame d’honneur leur servait à boire. Ce service avait anciennement appartenu aux filles d’honneur. La reine, à son avénement au

  1. On peut imaginer aisément que le charme de la conversation, la gaieté, l’aimable abandon, qui contribuent en France au plaisir de la table, étaient bannis de ces repas cérémonieux. Il fallait même avoir pris, dès l’enfance, l’habitude de manger en public pour que tant d’yeux inconnus dirigés sur vous n’ôtassent pas l’appétit.
    (Note de madame Campan.)