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sur leur santé l’effet généralement redouté. Le quatrième jour de leur arrivée à Choisy, les trois princesses furent saisies d’un violent mal de tête et d’un mal de cœur qui ne laissait aucun doute sur leur état. Il fallut faire promptement partir la jeune famille royale ; et le château de la Muette, dans le bois de Boulogne, fut choisi pour la recevoir. Cette habitation, fort rapprochée de Paris, attira dans les environs une affluence de monde si considérable, que dès la pointe du jour la foule était déjà établie aux grilles du château. Les cris de vive le roi ! qui commençaient à six heures du matin, n’étaient presque point interrompus jusqu’après le coucher du soleil. L’espérance qui naît d’un règne nouveau, la défaveur que le feu roi s’était attirée pendant les premières années du sien, occasionnaient ces transports.

Un bijoutier à la mode fit une grande fortune, en vendant des tabatières de deuil où le portrait de la jeune reine, placé dans une boîte noire, faite de chagrin, amenait le calembourg suivant :La consolation dans le chagrin. Toutes les modes, toutes les coiffures prirent des noms analogues à l’esprit du moment. Les symboles de l’abondance furent partout représentés, et les coiffures des femmes étaient surchargées d’épis de blé. Les poëtes célébraient le nouveau monarque ; tous les cœurs ou plutôt toutes les têtes françaises étaient remplies d’un enthousiasme sans exemple. Jamais commencement de règne n’excita des témoignages