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lui donner, il n’eût pas fallu, en même temps, lui en offrir une d’un prix inestimable, puisqu’elle devrait à cette clé une intimité et des conseils si précieux pour son âge. Elle s’en servit en effet bien souvent ; mais madame Victoire seule l’autorisait, tant qu’elle fut dauphine, à rester familièrement chez elle ; madame Adélaïde ne pouvait vaincre ses préventions contre les princesses autrichiennes, et était ennuyée de la gaieté un peu pétulante de la dauphine ; madame Victoire s’en affligeait, et sentait que leur société et leurs avis eussent été bien utiles à une jeune personne exposée à ne rencontrer que des complaisans ou des flatteurs. Elle chercha même à lui faire trouver de l’agrément dans la société de madame la marquise de Durfort, sa dame d’honneur et sa favorite. On donna plusieurs fêtes agréables chez cette dame : la comtesse de Noailles et l’abbé de Vermond s’opposèrent bientôt à ces réunions.

L’événement arrivé à la chasse, près du village d’Achères, dans la forêt de Fontainebleau, donna à la jeune princesse l’occasion de développer son respect pour la vieillesse et sa sensibilité pour l’infortune. Un paysan très-âgé est blessé par le cerf ; la dauphine s’élance hors de sa calèche, y fait placer le paysan avec sa femme et ses enfans, fait reconduire la famille jusqu’à sa chaumière, et la comble de tous les soins et de tous les secours nécessaires. Son cœur était toujours prêt à éprouver les émotions de la compassion ; et dans ces cir-