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LES BELLINI

I

LA PEINTURE VÉNITIENNE.

À évoquer les œuvres les plus caractéristiques de la peinture vénitienne, les Madones de Bellini, le Concert de Giorgione, Bacchus et Ariane du Titien, on éprouve ce sentiment de satisfaction presque physique que procure seule l’harmonie profonde des lignes et des couleurs. Nous « goûtons » littéralement de tels tableaux ; ils dispensent le bien-être, ils réjouissent l’œil et réchauffent l’âme sans fatiguer l’esprit. Ils ne réclament aucun commentaire : ils suffit de les regarder pour se trouver ravi de leur lumière, comblé de leur beauté.

Si l’art n’était qu’une sensualité raffinée — et pour beaucoup il n’est rien d’autre — l’étude de la peinture vénitienne devrait décourager le peintre comme celle de la sculpture grecque décourage le sculpteur. L’une et l’autre donnent une impression de perfection, de plénitude qui semble interdire tout progrès ; elles sont définitives et dominatrices ; elles contiennent en elles le passé